Aller au contenu principal

Ma fille, mon fils, je décide de votre avenir. Ou pas.

octobre 12, 2011

Ma fille a aimé le piano très tôt. Elle devait avoir trois ans. Elle en a huit. Elle tapotait sur mon synthé comme tapotent tous les enfants. Mais elle tapotait plus longtemps. Elle a très vite essayé de faire des sons avec ses petits doigts potelés. Quand on a vu ça, on a souri. Quand elle a vu qu’on souriait, elle s’est mise à jouer davantage.

Moi qui ne sait toujours pas ce que je vais faire plus tard, je me retrouvais devant une future Hélène Grimaud. Parce que quand on imagine sa fille plus tard, on l’imagine jouer à Pleyel, pas dans un bar miteux ni une bouche de métro. Je lui ai appris les trois accords que je connaissais et très vite on lui a laissé penser qu’elle était douée. Alors elle est devenue douée. On a pris une prof de piano qui a confirmé. La prof a-t-elle confirmé parce que c’est quand même plus utile de flatter l’égo du père gaga que de lui dire que sa fille c’est Charlie Oleg et qu’elle ferait mieux de faire de la danse ou de la sculpture ? Nous on l’a crue, parce que ma fille c’est Hélène Grimaud (sans les loups) (mais elle adore les oiseaux).
En fin de première année, devant jury, elle a eu le diplôme qu’on donne en fin de deuxième année. Et l’année d’après celui qu’on donne en fin de quatrième année. Elle joue matin et soir, c’est facile, c’est beau. Moi je suis comme un niais amoureux quand elle joue et elle le sait alors elle joue encore et je suis comme un niais amoureux.
Puis cet été, avec les vacances, elle a un peu oublié le solfège. J’ai douté. Je me suis dit que Mozart n’aurait jamais oublié le solfège, ni Hélène Grimaud. Que peut-être elle faisait du piano pour nous, pour moi. Qu’en fait elle n’aime pas vraiment le piano, et que le solfège c’est aussi plombant pour elle que pour moi…
Dans le même temps, comme mon fils est un sacré comédien, on l’a inscrit au théâtre. On aurait pu l’inscrire aux échecs, au karaté ou à la piscine, mais en conscience, on a choisi le théâtre. Il est bon le bougre, du haut de ses dix ans. Il fait de l’impro, joue des scénettes, apprend à parler en public. Il adore ça. Adore-t-il vraiment cela ? Le fait-il parce qu’on lui a dit qu’il était bon comédien ou joue-t-il la comédie ? Il revient de ses cours emballé et l’attention qu’on lui porte se voit dans le regard de sa soeur qui, du coup, nous parle beaucoup de théâtre ces derniers temps.
Elle joue toujours au piano, parce que c’est une bourrique, mais rien ne dit qu’elle ne va pas insister un peu plus pour le théâtre. Son frère, dans le même temps, se trouve quelque affinité avec la guitare. Mais c’est un comédien et je sens qu’il voit dans la guitare le côté cool du rocker, pas le côté pénible des exercices de doigt. Je peux décider de l’inscrire à la guitare en un rien de temps, pour vérifier. Ou ne l’inscrire à rien de plus et le laisser faire tourner ses toupies Beyblade. Je peux ne pas l’emmener à la bibliothèque et le laisser devant Gulli ; ou l’inciter à lire le Prince des nuages, qu’il a dévoré, juste avant d’aller faire du skate… pendant que sa soeur jouait du Bella Sara Bela Bartok.
Nous avons le pouvoir. C’est flippant ces milliers de possibilités qui alternent entre émotions, projections de nos propres fantasmes, écoute des leurs et, enfouie au milieu de ce tas informe, la vérité de leur être.
Ils ont leur liberté entre nos mains.
24 commentaires leave one →
  1. blueinkal permalink
    octobre 12, 2011 5:25

    Très bien exprimé encore une fois… Mon fils a 10 mois et je ne peux m’empecher de me projeter… A quel sport l’inscrire, a quelle activiter le « pousser » a aller… Tout ce qu’on n’a pas fait nous et le regrettons? Ou ce qui reellement du haut de leur 3 ou 5 ans peuvent nous dire qu’ils veulent??

  2. octobre 12, 2011 5:25

    Beaucoup de questions sur l’éducation en ce moment…
    J’aime bien mais c’est un peu flippant… ma fille ne fêtera ces 2 petites années que la semaine prochaine… mais je suis déjà sûr que c’est une sacrée comédienne !

  3. octobre 12, 2011 5:32

    trop bien ton Pegasus

  4. octobre 12, 2011 5:33

    Les parents ont le pouvoir, mais beaucoup ne savent pas l’utiliser ou ne savent même pas qui l’ont, passant plus de temps à d’autres choses que de s’occuper de ses enfants. On ne dit pas qu’il faille être scotché à eux tout le temps, mais les aider à trouver leur talent, c’est déjà une sacrée job.

    Je vais citer du Spiderman, car c’est le bon moment : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Pas faut, non ?

  5. octobre 12, 2011 5:33

    (pas faux)

    #oups

  6. octobre 12, 2011 5:34

    mon fils aussi c’est pris de « théatre ».
    ma fille ne jurait que par le cheval et puis d’un coup elle a voulu essayé le foot. Heureusement elle est revenue à ses premières amours.
    ouf 🙂

  7. octobre 12, 2011 5:35

    avant je me posais des questions métaphysique tout comme toi…. depuis je le laisse jouer à la toupie, en vrai peu importe ce qu’il fait du moment qu’il aime ce qu’il fait, sinon quand il aura 25 ans t’auras une conversation à la con avec lui du type : « j’ai fait du théatre pour te faire plaisir! pour combler tes manques! alors que moi en fait je voulais faire bucheron! » ouais cherche pas, t’es parent, t’auras toujours le mauvais rôle, mais le premier rôle dans sa vie. c’est assez flippant comme ça.

  8. octobre 12, 2011 5:39

    Je me souviens que mon premier commentaire posé dans ton univers concernait l’éducation des enfants… janvier ou février 2005…
    On progresse lentement sur la question, donc…

    (sinon, Charlie c’est Oleg… mais on s’en fout…)

  9. Hoplàboum permalink
    octobre 12, 2011 5:52

    « j’étais un enfant, ce monstre qu’ils fabriquent avec leurs regrets. » Sartre, Les Mots… Le mauvais rôle c’est les parents, les brimés, c’est les enfants.

    C’est comme ça!

  10. Nadia permalink
    octobre 12, 2011 5:53

    ton post me fait penser à mon enfance quand je jouait du luth car je voyais le bonheur et l’admiration dans les yeux de mon père…dés les prémisses de l’adolescence j’ai laissé tombé et me suis affranchit de cette influence/pression affective

  11. octobre 12, 2011 6:06

    Attends un peu, quand ils seront ados, ils ne voudront plus rien faire !

  12. octobre 12, 2011 6:16

    Oh! mon chouchou. Qu’il est beau! Qu’il a du talent! et puis c’est moi qui l’ai fait.

    Au bout d’un moment, tu te demandes pas si tes enfants se foute de toi… Je veux , j’aimerais bien ça… bien sûr mon chéri.

    Evidemment sans volonté un enfant n’apprendras jamais rien ou alors il apprendra sous la contrainte en premier celle de la famille et dès qu’il pourra. Il abandonnera. Mais à partir du moment où tu te deviens esclave de tes enfants en cédant à leurs envies, caprices… sans leur demander des efforts, du travail… Je ne vois pas comment tu vas décider de leur avenir.

    IL n’y a pas de recettes pour élever des enfants et même si l’on adopte la même les résultats seront différents cela peut se vérifier dans beaucoup de familles dans le genre c’est bizarre je les ai éduqué tous de la même manière et quand on voit… mais de toutes les manières en tant que parents on fini toujours vieux cons au moment de l’adolescence de nos chéris. Alors laxisme ou autorité…?

    Alors pour apprendre un instrument de musique quand on a pas de talent, il n’y a pas de secrets et ce n’est pas en touchnat une année ou deux à un instrument pour arrêter qaund les difficultés arrivent qu’il faut céder à l’enfant après chacun fait comme il veut.

  13. plumevive permalink
    octobre 12, 2011 6:27

    Obligé, je partage sur mon blog.

    Vous décrivez ici ce que je ressens chaque fin d’année scolaire, quand je questionne mes trois enfants sur leur volonté ? envie ? de continuer les activités en cours…. je pense à ça chaque année lorsqu’à la rentrée, on doit faire cohabiter horaires, finances et envies toujours présentes (ou non)… merci d’avoir écrit cet article. Et si vous n’êtes pas d’accord pour que je vous cite dans mes pages, vous savez où me joindre 😉

  14. octobre 12, 2011 6:31

    J’ai mon pote qui a inscrit son fils au tennis très tôt. Oui, comme ça se disait-il, il pourrait jouer avec son fils plus tard. Bah le petiot, lui il a joué au tennis, bien. Mais à la fin, il joue encore mieux au foot et le papa il râle le dimanche matin au bord de la pelouse :o)

  15. Sylvie permalink
    octobre 12, 2011 8:53

    Léo veut devenir pilote, il adore les avions et s’envoler vers les nuages. (Je n’ose pas écrire le ciel dans la phrase précédente). Alors nous, parents, avons décidé de lui donner la possibilité de … Il est heureux, il donne un sens à sa vie, il se construit, il rencontre des gens passionnés, exigeants et bienveillants. Mais un jour, peut-être, regretterons-nous d’avoir décidé de …

  16. octobre 12, 2011 9:12

    « Ils ont leur liberté entre nos mains. » telmt juste!
    mon père m’a forcé à continuer le piano (« jusqu’à tes 18 ans apres tu feras ce que tu voudras »), j’y suis allée j’ai aimé puis pleuré puis aimé et enfin détesté, et aujourd’hui completmt abandonné le piano, je ne sais meme plus jouer (9 ans de conservatoire!)
    Tres joli post (comme dab) vinvin

  17. octobre 12, 2011 10:09

    C’est très juste ce que tu écris…
    C’est passionnant mais difficile d’être parent!

  18. octobre 12, 2011 11:07

    Joyeux anniversaire.

  19. octobre 12, 2011 11:19

    « Et quand on ne m’obéissait point, faute de me comprendre ou pour ne pas me nuire, je m’emportais contre ces grandes personnes insoumises et libres, refusant d’être mes esclaves, et je me vengeais d’elles en pleurant. Tels j’ai observé les enfants que j’ai pu voir, et ils m’ont mieux révélé à moi-même, sans me connaître, que ceux qui m’avaient connu en m’élevant. » Extrait du livre premier chapitre VI chapitre 8 « les confessions » de Saint-Augustin.

    Dans cette phrase tout est dit, nul besoin de Dolto et autres Servan-Schreiber pour comprendre la nature des enfants décrit de façon on ne peut plus claire au début du Ve siècle. Que de chemin parcouru en théorie inutiles et en vaines éducations.

    Pour un enfant être son maître jusqu’à dix ans, Père jusqu’à 20 ans puis amis pour la vie… Ce schéma est un peu réducteur, mais à partir du moment où tu connais les qualités et les goûts de tes enfants… Tu ne peux pas te tromper quant à leur avenir. Oriente les vers ce dont il auront le plus de volonté pour apprendre et sois ferme sur le travail qu’ils devront fournir. A la moindre défaillance ou refus, ose l’autorité.

    On ne s’appuie que sur ce qui résiste, pour grandir, s’élever c’est bien plus facile.

  20. BRETAUDEAU permalink
    octobre 13, 2011 7:31

    ce sont eux qui ont le pouvoir et pas nous !
    nous on fait ce qu’on peut
    on a juste la liberté de les aimer

  21. octobre 13, 2011 7:56

    Avec un peu de chance on peut devenir Kyle Eastwood !

  22. octobre 13, 2011 8:07

    hasard du net, je tombe sur ce texte que je trouve magnifique et criant de vérité.
    Dans mes mains je tiens 4 petits destins dont il est difficile de préserver les libertés. C’est dire si tout cela me parle !
    Merci en tous cas, merci pour ces mots si justes, merci.

  23. octobre 14, 2011 1:21

    Les grandes chances de cette responsabilité sont : 1) on est beaucoup parents avec les parts non maîtrisées de soi-même 2) l’adolescence et sa tectonique de plaques, parfois très souterraines.
    Heureusement!

Trackbacks

  1. Ma fille, mon fils, je décide de votre avenir. Ou pas. | PH7831 | Scoop.it

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :